jeudi 2 juillet 2009

De courbes et d'eau

Pourquoi la forme inspire-t-elle la reflexion pour celui qui accepte de prendre le temps de regarder un volume au delà de son utilité ? Sans doute l'harmonie entre les lignes de la matière et l'espace qui l'entoure. C'est probablement ce qui est attirant dans la construction d'un bateau. L'esprit se projette dans une forme, ici l'étrave, plus loin l'étambot, mais la forme va en retour modeler l'esprit qui va guider la main, l'outil, afin d'obtenir l'adéquation qui sera source de joie.
La beauté, je crois, vient de cette perception de l'organique. L'ensemble est plus que la somme de ses composants. Comme un visage que l'on se plait à contempler. Ce n'est pas seulement la plastique qui procure la paix ou la passion; il y a autre chose difficile à définir. L'harmonie des sens et de l'esprit, celle de la forme et de sa perception.

Mais l'esprit et la main ne peuvent pas tout. Je crois que Van Gogh a dit ou écrit que la création ne consistait pas à laisser libre cours à l'inspiration mais à limer, millimètre par millimètre, le mur d'acier qui sépare ce que l'on est capable de faire de ce que l'on veut faire.


Pourtant les hommes qui ont dessiné, conçu et fabriqué ces bateaux étaient de vrais créateurs. Lorsque l'on se lance dans une telle entreprise, il me semble qu'il faut en être conscient, non pas pour laisser le doute prendre barre sur la volonté mais bien pour s'inspirer de ces maîtres inconnus que le temps a effacé de la mémoire des hommes mais que leurs oeuvres maintiennent vivants dans nos rêveries et nos actes.


Alors, il ne s'agit pas de partir à la conquête d'un inutile ou d'un inaccessible mais bien d'ouvrir grand les yeux pour considerer d'une part, et honnêtement, ses propres limites qu'il faudra dépasser, et d'autre part la perfection vers laquelle tend tout l'être lorsqu'il décide de franchir le cap qui sépare les eaux tranquilles de la rêverie, du flot, plus ou moins furieux, de l'action concrète.




Et si un jour futur, sous un soleil printanier ou dans la pâle lueur d'un matin glacé, l'étrave dessinée, conçue et fabriquée écarte les eaux d'un mouvement ample et gracieux, si la vague glisse en douceur le long du bordé, si sur l'étambot le flot reprend sa place dans un clapotis harmonieux, alors tous les efforts consentis, toute la tension accumulée, toute la force déployée , chaque geste de l'entreprise enfin seront justifiés.




Il me semble que ce sentiment peut se laisser saisir lorsque l'on écoute le dernier mouvement de la IXème symphonie, "l'hymne à la joie". Le motif principal est d'abord esquissé, puis s'élève en force de plus en plus saisissante jusqu'à éclater dans la puissance des choeurs et des instruments qui conjuguent ce que l'esprit du compositeur a creé et la virtuosité des interprètes qui le fait vivre.
C'était le quart d'heure délire. La jambe dans le plâtre pour encore plus de trois semaines, il faut bien que l'energie s'exprime.
Bonne journée.



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