dimanche 24 mai 2009

Assieds-toi; fais un plan.





Celui qui part en forêt sans boussole n'ira pas plus loin que la lisière ou alors c'est qu'il ne souhaite pas revenir. C'est possible. Et celui qui part en mer, n'embarque pas sans biscuit, même s'il part pour un voyage au delà du coeur des ténèbres.


Il fallait un plan. Le musée des bateaux au Danemark en possède sans doute plusieurs et il existe un numéro du Chasse-Marée sur la construction des bateaux que l'on appelle à tort "drakkar". Mais je n'ai pas eu accés ni aux uns ni à l'autre(épuisé); j'ai trouvé sur internet des croquis de coupe transversale, des dessins à petite echelle et je me suis même inscrit à une "communauté" via je ne sais plus quel fournisseur d'accés. Mais sans résultat autre que de recevoir des messages de gens comme moi qui cherchaient, cherchaient (ce qui est d'un certain point de vue amusant puisqu'à l'autre bout du monde d'autres suivent ce drôle de chemin).




Puis j'ai fini par dessiner moi même. Des esquisses d'abord puis des plans. J'ai comparé avec les dessins péchés dans les vagues du web pour mesurer les angles des membrures, les rapports entre longueur et largeur. J'ai mesuré les rayons de l'étrave et de l'étambot sur un superbe ouvrage (L'héritage maritime des Vikings en Europe de l'Ouest aux Presses universitaires de Caen, 2002, p.185) et j'ai toujours sous la main le Guide de la construction amateur publié par le Chasse Marée.




Le résultat n'est sans doute pas un modèle du genre et sans doute en cherchant autrement j'aurai trouver autre chose. Mais il me semble que les lignes sont correctes dans l'ensemble. Pour le détail de la construction ce sera sans doute une autre paire de manches.
Mais plus que le plan, pour l'heure, c'est l'épure qui me sert le plus.
Il faudra sans doute revenir au plan lorsque la charpente sera bien avancée pour regler les détails de la position du moteur, des reservoirs et tout le reste.
L'épure; dans un autre article. Aujourd'hui, grillades de magrets de canard. Il est l'heure d'aller préparer les braises.

Le nerf de la guerre

Comment estimer le coût d'une telle entreprise ?


Compter les vis et les kilos de résine, les mètres cubes de chêne ou autre, les divers ingrédients de cette cuisine sans vraiment une recette bien établie sinon dans ses grandes lignes (quel que soit le plat que vous élaborez il faudra toujours choisir, préparer, organiser, faire cuire, présenter et deguster...) n'est pas vraiment un soucis. Et vous trouverez ici quelques pistes.










Mais le temps ? Qui sait ce que coûte le temps passé à une oeuvre ou à une simple construction ?




Il n'est pas question ici de facture. L'exercice est purement "gratuit" au sens commercial. Mais il pourrait être curieux de dresser en fin de partie un bilan. Juste pour se faire une idée.

Donc à ce jour:

Bois d'oeuvre pour la quille: du chêne en 34 mm (trois plateaux d'un plot qui restait d'un chantier précedent) et une semelle en alu (des chutes acquises chez Artech, au demeurant trés accueillant)
Bois d'oeuvre pour les varangues et les membrures (pour commencer): chêne "rouge" en plot de 41 et 54 mm
Colle Sader marine: 2 kilos pour la quille, du coup j'ai commandé un pot de 5 kilos.
Résine pour coller le sabot (Kostrufiss rapide en cartouche)
Boulons, visserie inox, tire fonds pour les assemblages des couples et leur fixation à la quille.
Papier calque en rouleau pour relever les tracés sur l'épure.
Panneaux de CP en 300 x 150 (3) pour les tracés de l'épure.
Bastaings en sapin pour l'appui de construction.

A la louche, le chapitre fournitures, à ce jour, doit atteindre le porte monaie à la hauteur de 1100 €. A l'occasion je ferai le détail.

Pour le temps passé, tout dépend de ce qui est pris en compte. Donc je laisse de côté toute la reflexion préalable, la lecture des ouvrages technique, les recherches sur internet et les multiples brouillons de plan et d'épures.

Mise au plan : 30 heures
Epure : 36 heures
Montage de l'appui de construction: 3 heures
Débit et assemblage de la quille : 12 heures
Tracé et débit des varangues: 8 heures
Montage et ajustage du sabot de quille : 6 heures
Chapeau de quille et rablure : 10 heures
Préparation des gabarits de membrures : 6 heures

Soit, en oubliant sans doute bien des moments passés à rêver ou à imaginer, plus de cent heures alors qu'il faut savoir ce qui se cache sous la bâche dans le jardin pour comprendre qu'il s'agit d'un bateau...


Bon, assez pour les chiffres. Il donne toujours un vertige parce qu'ils prétendent donner une mesure de la démesure ou l'inverse. Les chiffres sont utiles pour mesurer le réel et non pour s'en faire une idée qui devienne un rêve vécu.




Combien de temps et de kilos de pointes, de mètres cubes de chêne pour construire ce bâtiment (visible à Clairbois, domaine du chevalier à Sainte Suzanne en Mayenne) et quel poids de rêve accompli ?
Est-ce que le prix des choses à un sens ? Peut être seulement une signification.
Le monde des marchands est un monde où le prix, la valeur et le sens forment une bouillie indigeste.
Je préfère rester dans le limès de ce monde là.

Pour commencer

23 mai MMIX


Le moteur de la vieille défonceuse a brulé; il n'a pas supporté l'usinage de la semelle en alu de 8 mm. Et la machine de remplacement s'est bloquée (démontage, remise en état, remontage: une heure pour le roi de Prusse...).








La semelle en alu n'est bien évidemment pas un élément de "puriste" mais les maîtres charpentiers qui construisaient les snekkars et autres knörr devaient sans doute se demander comment preserver la quille des bateaux lorsqu'ils étaient échoués voire tractés sur des rondins pour franchir un obstacle ou changer de bassin fluvial.
J'ai adopté cette solution. Il doit y avoir pire... ou mieux.















Le cintrage n'a posé aucun problème. Ensuite perçage, fraisage pour les têtes de vis (inox) et collage avec une résine (voir Materiaux).



Mais ce n'est pas le commencement de l'histoire. C'est seulement l'article pour commencer cette "publication". Et il faut bien un début. Comme dans un roman qui ne s'ouvre pas à l'origine mais vous plonge au coeur d'une intrigue avant de vous emmener, d'un jour à l'autre, d'un chapitre au suivant, dans les couloirs du temps d'un récit, d'une vie, ou de l'un de leurs éclats dans le miroir de l'imagination.